Première visite de la Zaouïa

بسم الله الرحمن الرحيم
Première visite de la Zaouïa

Cela ne me surprenait pas de recevoir indirectement, au nom du Cheikh Sidi Hamza, une invitation d’assister à la veillée religieuse de l’Aïd Al Mawlid Acharif de la Zaouïa des Ouled Sidi Abdelhakem, se trouvant aux environs d’Aïn Beni Mathar, ex-Berguent, distante de quelques 700 km de mon domicile. Même si ce déplacement convenait à un besoin que je ressentais depuis très longtemps, l’appel ne pouvait que tomber à point nommé ; j’y répondis avec plaisir. C’était, par ailleurs, pour moi l’occasion de consolider quelques unes des relations tissées depuis la création de l’espace Web permettant à chaque internaute des Oulad Sidi Cheikh de s’identifier. Tous, sans exception, appréciaient ce nouveau moyen de faire connaissance à distance, de se découvrir et se rapprocher à défaut de s’unir, comme en témoignait leur courriel. Toutefois, malgré plusieurs demandes de ma part, je n’ai pu connaître le programme pour m’organiser en conséquence ; d’autant plus que je prévoyais d’aller par train, jusqu’à Oujda ; j’ai du donc pris mon temps pour être dans cette capitale de l’oriental, au matin du jour de cet événement spirituel qui était prévu pour le mercredi 20 avril 2005, au soir.
Le départ de Fès où je me trouvais était à 2 h du matin, ce qui faisait que je me suis couché la veille de bonne heure ; lorsque je rentrais en gare, je dirigeai directement à la voiture couchette, en queue du convoi, pour continuer mon sommeil jusqu’à 7 h du matin ; en dépit du brouhaha de la voie ferrée au toucher des roues des wagons, je parvins quand même à dormir. Ce n’était qu’à 8 h30 que je sortais de la gare de destination. En prenant mon petit déjeuner au café du coin, je passais mon premier coup de fil, apprenant malheureusement la cérémonie avait débuté ; je me hâtais donc pour être, dès que possible, à la Zaouïa afin de ne pas rater la suite. Je pris le taxi collectif pour Aïn Beni Mathar. Une fois sur place, Sidi Abdelkader BENTAYEB, ma seule connaissance de ce patelin, un centre de sédentarisation des gens de la tribu, autrefois totalement nomades, décida sans que je le lui demandais, de m’emmener avec sa conduite intérieure ; au bord de laquelle il y avait d’ailleurs son père, le Cheikh Sidi haj Hakkoum que j’appréciais beaucoup.
Combien était grand mon étonnement lorsque la voiture se lançait dans une piste à peine carrossable ; à l’horizon, je ne voyais que le désert ; nous roulions un bon moment sans rencontrer aucun être vivant ; partout aride et accidentel, le sol, donnait l’impression qu’on se trouvait dans un lieu où la nature n’était autre chose que ce que l’on pouvait croire ; aussi bien à droite qu’à gauche, c’était le même paysage ; derrière le véhicule la poussière s’élevait très haut et finissait par retomber par terre. Je m’imaginais alors les tempêtes de sable, un phénomène naturel de cette zone d’un climat saharien. Je me demandais d’ailleurs à quoi servait cette vaste et étendue contrée, et quel était son statut juridique ? Je me sentais dans un état de détresse, et cela m’occupait l’esprit. Alors que mes accompagnateurs continuaient à discuter, on arriva tout à coup, après un itinéraire, d’environ une demi-heure de piste, que seuls les gens du pays pouvaient reconnaître et suivre. On était à la Mosquée de sidi Ahmed ben Cheikh faisant office de Zaouïa,
A première vue, ce grand Masjid (édifice culturel de l’Islam) dont le minaret est assez haut pour être distingué de loin attira mon attention. Et, chose extraordinaire, des arbres et des plantes semblaient animer la vie en ce lieu magique ; l’eau ruisselant en surface qui paraissait du domaine de l’impossible était là. Je ne parvins pas à croire mes yeux de me trouver en face de constructions et en présence de verdure. Les nombreuses voitures et surtout les gens me redonnèrent confiance. Je respirais enfin, constatant qu’il s’agissait d’un grand rassemblement de personnes, qui par leurs habits et leurs embrassades, avaient l’air ravies de leurs retrouvailles. C’étaient des gaillards presque tous corpulents, naturellement de même physionomie. Ils se considèrent tous en tant que cousins. C’était la grande réunion familiale à un échelon très large. Je savais que ces hommes, de tous âges - les femmes, je ne les ai pas vues - arrivaient des douars limitrophes, de Beni Guil, des villes et centres de Jérada, Oujda, Bouarfa, Figuig et même Fès ou Marrakech ; c’était une ambiance bon enfant, comme on dit. Je demandais à voir Lemqaddem Sidi Mustapha Hakmi, venu spécialement de la banlieue de Paris. Et, tout de suite après, il se présenta, me reconnaissant, grâce à notre mise en relation sur photographies seulement.
D’un accueil courtois, comme je m’y attendais évidemment, Sidi Mustapha, mon sac à la main, me conduisit à un salon, qui semblait être le salon d’honneur, attenant à la maison du Cheikh, à proximité des cuisines. Ici, j’avais droit aux offrandes de dattes et lait, et je supposais que c’était de chamelles ou de chèvres. Après une discussion amicale au cours de laquelle Sidi Mustapha me donna l’impression que d’autres tâches plus importantes et plus urgentes l’attendaient, je lui demandais tout de même où déposer mon bagage ; il appela un jeune homme que je croyais être le fils du Cheikh et lui remit mon sac. C’était ainsi que je me rendis compte que j’étais un pèlerin pas comme les autres. Bien sûr que je ne tenais pas à gêner les organisateurs, mais je me demandais où j’allais coucher cette nuit, sans vraiment poser la question, de crainte de me voir répondre de me mettre là où je voulais, puisque la nuit venue, tous les locaux se transformaient en dortoirs collectifs. On devait même dormir à la belle étoile.
Le muezzin appelant à la Salate (prière) Al Maghrib,(crépuscule) j’avais juste le temps de faire mes ablutions. Puis, à quelques pas de la mosquée, c’était la rencontre avec le Cheikh Sidi Hamza BOUAMAMA, maître des lieux, à qui sidi Mustapha me présenta, lui rappelant ce qu’il savait déjà sur moi ; me bénissant, il me souhaita la bienvenue. Ma visite l’enchanta, c’était certain, mais pour continuer l’entretien, le temps de s’exprimer lui manquait, vu sa charge et sa responsabilité; d’ailleurs, tout le monde se pressait pour être dans les rangs en vue de l’accomplissement ensemble du devoir religieux : la Salate à temps, conjointement et dans une telle mosquée, très importante pour la communauté. Je me détachai de la troupe pour faire le tour des lieux ; je remarquai qu’en plus de la salle de prière, pleine à craquer, une énorme tente était aménagée pour couvrir une grande partie de l’enceinte de la mosquée ; partout, on voyait des groupes de gens assis, sous abris, au long des murs, écoutant la lecture du coran, participant aux invocations, ou tout simplement s’entretenir entre eux. La prière terminée, on passait au dikr c’es-à-dire les invocations, donc on s’activait à accomplir ce qui s’en suivait, s’agissant d’un moment fort de la cérémonie qui allait marquer sa fin.
Mon souci étant de résoudre mon problème de gîte, j’insistais pour que mon sac soit dans une voiture, pour être à ma disposition, en cas de besoin ; et, c’est le père haj Hakmi, ayant beaucoup entendu parler de moi, qui accepta ; bien que je le vis pour la première fois, le courant passa vite entre nous ; il garda volontiers mon bagage dans le coffre de sa voiture.
Je mettais ce temps à profit pour rechercher Sidi haj Benjelloul que je trouvais en groupe. La mise en contact avec ce parent me sauva, et me conforta au point où plus rien ne me tracassa puisque c’était chez lui où je dormais ; à ma surprise, il savait tout sur moi, sans aucune relation dans le passé entre nous deux ; il me tint la main et ne me lâcha plus ; apercevant le Cheikh, il me conduisit vers lui pour le saluer, à nouveau ; puis il ne cacha pas sa satisfaction lorsqu’il entendit Sidi Cheikh dire à mon sujet que j’accomplissais de précieux services à la confrérie.
Au bout d’un petit instant, on entendit Sidi Cheikh commencer son prêche ; toute la foule l’écoutait en silence ; il donnait de très bons conseils, au plan spirituel, avec une simplicité à la portée de tout le monde. Bien orientée, la communication du guide spirituel de cette grande famille me toucha énormément ; elle m’apporta beaucoup. Ensuite, c’était au tour de Lemqaddem Sidi Mustapha de faire un discours au sujet de la Tariqâ en Europe et notamment en France ; il annonça, entres autres, l’existence d’un site Web spécifique. Dans son allocution, il fit preuve d’un grand dévouement à la cause et exprima sa loyauté envers le maître dont il est le disciple. A noter que ce discours tel que je l’avais compris pouvait prêter à confusion, par rapport à la notion de culte de la personne, à ne pas crier haut et fort.
Avant que s’achever, cette soirée riche en enseignements pour moi, semblait s’allonger. On servait, à même le sol, un dîner comprenant un plat principal de couscous, appelé localement Aïch, accompagnée d’une sauce délicieuse ; je le constatai en voyant les gens manger, après avoir prononcé le mot Bismillah, (au nom d’Allah) ; tout ce monde se nourrit, et l’opération s’exécutait dans un ordre irréprochable. Ce qui dénota une bonne organisation, la discipline bien observée, et surtout une gestion rigoureuse. Comme, je ne prenais pas de semoule, on m’emmena au salon pour m’offrir un plat de viande très cuite et du pain frais. Pour moi, c’était la « Baraka », (le bienfait), je n’en doutais pas ; sans m’en régaler, j’en apaisais ma faim, même si ce n’était pas le moment habituel où je dînais normalement. C’était ainsi que l’on se séparait en insistant pour revenir la prochaine fois.

Merci beaucoup. Votre encouragement me flatte énormément. Vous êtes bien gentil. J'espère que d'autres personnes apprécieront ce modeste travail et que les sujets traités permettent l'enrichissement du site. Au plaisir